Alkanédon -
posté le 08/12/2020 à 10:54:00 (8352 messages postés)
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❤ 1Kno
Citoyen d'Alent
(ce topic se nommait "La créativité n'existe pas" au début)
La créativité n’existe pas.
Tout est parti d’un simple recul sur mes goûts artistiques (tout type d’arts confondus), dans le but d’aiguiser ma personnalité musicale de compositeur. J’ai inopinément constaté qu’il y avait des thèmes récurrents qui me touchaient plus que d’autres, et ce quelque soit la disposition de l’entité (présentée ou représentée).
Exemples :
Thème
Présentée
Représentée
Forêt
Ballade
Photo
Candeur
Fille naïve réelle avec qui j’interagis
Rêve, JV, film
Grande œuvre architecturale
Face à moi
Miniatures, JV
Cela fait plusieurs années que j’ai entamée une introspection. Non pas une psychanalyse (=pratique qui requiert un analysant et un analysé) , mais une simple fouille archéologique de mes souvenirs. Je pense en effet que mes goûts artistiques sont ancrés à des souvenirs.
Simple logique : mes goûts proviennent du passé, et je pense qu’il existe un ou plusieurs piliers fondamentaux qui aiguilleront définitivement mes goûts futurs. Des traumatismes, chocs émotionnels.
Ceux-ci pourraient se situer à l’enfance et à l’adolescence (en ce qui me concerne), deux périodes de chamboulements psychologiques propres à chacun favorisant les chocs et les traumatismes. Différents interrupteurs viendraient se déclencher inconsciemment au cours de ma vie lorsque je trouve quelque chose de beau (des liens en arrière-plan se créés dans mon cerveau, donnant naissance à des soit disant nouveaux goûts).
Un exemple de pilier (=traumatisme) qui sert la direction artistique chez le peintre Magritte, « les amants ».
Magritte a peint plusieurs tableaux mettant en scène des visages couverts d’un drap blanc. Rien n’a été explicité par Magritte lui-même (il ne voulait pas qu’on connaisse son passé(!!!) afin de ne pas analyser ses œuvres), mais on a découvert plus tard que sa mère avait été découverte morte dans une rivière, un drap blanc sur le visage.
Me vint alors un éclair de lucidité :
Et si après tout, le futur n’existait pas, que mon artiste intérieur me montrait non pas la direction pour créer le futur, mais retrouver le passé (si tant est que je sois convaincu du contraire, là est la question) ?
Mais alors, être satisfait d’avoir inventé un nouvel objet artistique, c’est quoi ? En suivant ma logique, il s’agit d’un échec. Tout le monde sait que l’homme n’aime pas sortir de sa zone de confort, tout le monde sait que l'homme aime avoir des habitudes, et qu'il a peur de l’inconnu. Tout le monde peut en conclure que l’homme ne devrait ainsi pas aimer la nouveauté dans l’art.
Il paraît qu’une idée nouvelle est souvent critiquée et rejetée au début. Mais la question est double : il ne s’agit plus de savoir pourquoi nous la rejetons, mais pourquoi nous finissons par l’accepter. Peut-être qu’à force de côtoyer cette idée, nous atteignons un stade où l’idée, ni bonne ni mauvaise, est devenue un souvenir. Alors nous l’acceptons, puisque nous sommes à la recherche de nos souvenirs, et que nos souvenirs ont bons goûts.
J'ai constaté autour de moi que de nombreuses personnes aimaient toujours la musique qu'elles écoutaient pendant l'adolescence.
Chose que j'ai aussi lue dans un article sur internet il y a longtemps (je ne le retrouve plus il va falloir me croire sur parole !).
Certains chercheurs affirment qu'il faille une répétition d'un style de musique pour l'apprécier (créer le souvenir donc).
Et là je reviens à Magritte : à force de visualiser le cadavre de sa mère pendant 16 ans, a-t'il fini par trouver ça beau ? Et ainsi le peindre sous la forme de deux amants qui s'embrassent, l'exposer dans des galeries, le vendre..?!
Beaucoup d'artistes exorcisent leurs souffrances par l’œuvre, libèrent leur frustration. C'est un fait connu. Et pourtant, ça ne vous paraît pas contre-intuitif ? Remuer la douleur, et lui donner vie. Quelle idée !
Un artiste comme Magritte est obsédé par un souvenir affreux. Il en rêve régulièrement. Son souvenir se déforme, est amplifié et devient une entité nouvelle qui n'existe que chez lui.
Cette entité est ce que David Lynch appelle "un monde caché".
Dans cette interview, il parle de son enfance, qu'il a vécu dans une ville grise à côté d'usines. Plus tard Lynch était fasciné par les usines, ambiance qui l'a inspiré pour Eraserhead.
Il est aussi très fasciné par les rideaux et les radiateurs, mais il garde le mystère là-dessus.
Une interview de la compositrice Kaija Saariaho a conforté mon hypothèse : elle donne 3 conseils aux jeunes compositeurs, dont un stipule de bien connaître son passé. Elle a en effet constaté qu’elle était très attirée par la nature car il y avait vécu petite.
Des tas de compositeurs nourrissent leur œuvre de nostalgie (Chopin a nourrit ses pièces avec la nostalgie de son enfance polonaise par exemple).
(NB : on dit « l’œuvre d’un artiste » pour qualifier l’ensemble de ses œuvres)
Mais alors, pourquoi peut-on être amené à vivre des émotions intenses lors de la découverte d’une œuvre nouvelle ? Possiblement parce qu’elle touche du doigt un sentiment ancré dans nos souvenirs… Et si on revivait ce souvenir véritablement ? Non pas une image à l’aide d’une photo dans un album, une odeur à l’aide d’un parfum, une musique à l’aide d’une vieille cassette audio retrouvée au fond du tiroir, mais un sentiment à l’aide de l’art ? Celui qui nous fait dire : « c’est exactement ce que je rêvais d’écouter/voir, c’est l’évidence ». Art qui ne nous explique rien, qui se pose là et constate notre réaction.
Qu’en résulterait-il ? S’agit-il du célèbre syndrome de Stendhal ? Du syndrome de Brulard ? Quoi qu’il en soit, plus l’on s’intéresse à l’art, plus l’on y est sensible. Un peu comme une plante que l’on arrose et qui devient de plus en plus imposante dont certaines fleurs qui finissent pas germer, révèlent les secrets de la plante. Elles révèlent ce qu’est réellement la plante. Si la plante n’avait jamais été arrosée, nous n’y auront jamais vu les fleurs et ses couleurs qui attendaient d’être révélées.
Pour une question de pratique, je décide de donner un nom à ce terme : la quête du passé éternel. Cela peut vous rappeler « l’Eternel Retour » de Nietzsche.
Cette idée stipule de vivre sa vie comme si nous la revivions indéfiniment (au lieu de se réincarner ou de mourir définitivement). Ce qui est donc un retour en arrière permanent. Ce que je fais maintenant, c'est un souvenir pour préparer mon futur.
L’objectif de cette recherche est de savoir si notre carte d’identité est déterminable pas nos goûts artistiques.
Si nous trouvons quelque chose de beau, cela nous rappelle un souvenir (potentiellement enfoui) . Ce souvenir était peut être quelque chose que nous trouvions beau, qui nous apaisait. Mais alors on continue de rebondir sur des souvenirs d’avantages anciens pour trouver l’origine de cette beauté déclenchée auparavant. Qu’est-ce que cela veut dire ? Y a t’il un souvenir « numéro 1 » qui a déclenché en nous la première expérience de beauté et qui nous guidera à vie sur nos goûts artistiques ?
Les enfants ne peuvent pas apprécier le jazz, c’est trop complexe pour eux, c’est pour cela qu’on écrit pour eux des comptines ou des berceuses très simples en terme de mélodie et d’harmonie, cela les aide à intégrer la langue locale notamment.
Alors comment en viennent-ils à apprécier le jazz plus tard ? Cela leur rappelle peut être une mélodie ou un accord entendu dans une berceuse, les nouveautés dans cette musique jazz ayant été associées à quelque chose que l’auditeur connaît et qu’il trouve beau (la berceuse), donnant l’étiquette de «beau» à ce nouveau matériau.
Un souvenir de la petite enfance qui pourrait s’apparenter à la beauté, serait une berceuse chantée par la mère. Ce n’est pas « bon » dans le sens où ce n’est pas utile pour le corps, mais c’est agréable. Ce que Kant appelle de « beau » : agréable mais inutile.
Faire une séance d’hypnose sur la petite enfance ? Peut-être même dans le ventre de notre mère quand on l’écoutait nous chanter une berceuse ?
La beauté prends des dérives, on aime ce qui est beau. Évidemment, tout le monde sait que la beauté peut-être subjective, mais ça n’est pas la question. Que l’on trouve un ramassis d’ordure beau ou une fleur belle, nous sommes tous pareils : nous aimons ce qui est beau. C’est la définition même du beau : ce qui suscite l’admiration, une certaines satisfaction.
Le film « Minuit à Paris » de Woody Allen pointe du doigt le phénomène de fascination des époques passées (épargnons dans ce topic les polémiques sur ce réalisateur, c’est son idée artistique qui nous intéresse ici et on risquerait de partir en HS).
Speech du film : 2010, un scénariste est très attiré par les années 1920 : l’ambiance, les fringues, le vocabulaire, la légèreté de vivre.
Il se retrouve par enchantement propulsé dans le passé des années 1920 et y fait la rencontre d’une charmante dame avec qui il flirte. Mais… Cette dame rêve aussi du passé, plus particulièrement des années 1890 (que l’on appelle « la belle époque »). C’est ainsi qu’en discutant, elle lui explique qu’à chaque époque, il y a des gens qui fantasment sur les époques passées. Tout comme les gens du Moyen-âge qui auraient pu fantasmer sur la Renaissance, et les gens de la Renaissance qui ont probablement fantasmés sur l’époque Antique (la Renaissance doit son nom à la redécouverte d’archives antiques (philo, littérature etc.)).
Ce film m’a rassuré, je me suis senti moins seul dans mon délire.
Mon champs d’étude s’est alors élargi : fantasmer sur le passé, c’est un truc d’artiste ? Ou les non-artistes n’y font simplement pas attention ?
Par « artiste » j’entends les créateurs mais aussi les spectateurs (d’une manière générale : ceux qui s’intéressent à l’art)
Il y a quelques temps je suis tombé sur une vidéo de Stendhal Syndrome (chaîne YT qui présente l’œuvre de plusieurs artistes controversés, plus ou moins connus) : « Sur la ligne du temps ».
Ce type a clairement pointé du doigt mon sujet, il a constaté que le passé fascinait. Mais ce qu’il ajoute à cela, c’est la constatation du temps : ce n’est pas le passé qui nous fascine, mais le temps écoulé.
Les épaves, les cités englouties, les ruines… tout ça n’a rien d’artistique (or oeuvres cherchant principalement la beauté comme les statues ou certaines architectures), et pourtant nous sommes émerveillés. Émerveillés de la même façon qu’un adulte quand il retrouve un jouet de son enfance.
Le temps est un sujet qui attisent de nombreux curieux, beaucoup de personnes ont du mal à concevoir le temps (peut-on vraiment ?).
Dans un autre domaine encore : John Koenig, néologiste américain, propose un mot dans son dictionnaire : Anemoia.
L’anemoia, c’est le sentiment de nostalgie face à quelque chose qui nous est totalement étranger.
Exemples :
-Être nostalgique devant un vieux documentaire en N/B, alors que l’on a jamais vécu à cette époque
-Être nostalgique en se baladant dans une nouvelle ville alors que l’on n’y a jamais mis les pieds.
Il y a quelques années, je pensais que l’anemoia était due au fait que notre cerveau ne comprenait pas ce qu’il se passait : il arrive dans un environnement, mais comme il ne se souvient pas y avoir mis les jambes, c’est que ça doit être un souvenir vraiment très très vieux. Alors il appuie sur l’interrupteur « nostalgie ».
(non, pas la radio)
Je ne suis pas un scientifique, je n’ai ni la connaissance ni le matériel pour effectuer des recherches neurologiques, ou des psychanalyses crédibles.
C’est pour quoi je me contente à ce niveau d’observer et de commenter. J’aimerais avoir vos avis sur la question afin d’enrichir le sujet. Votre vision, vos hypothèses, vos théories, des articles, des livres, essais etc.
Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises réponses, ce n’est qu’une bribe de thèse. Si vous pensez différemment ou êtes en total désaccords balancez la sauce !
Roi of the Suisse -
posté le 08/12/2020 à 14:27:39 (30337 messages postés)
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Chanter l'hyperchleuasme
Le titre du topic est un peu trompeur (en plus d'être putaclic ), finalement ça parle surtout de l'importance du passé dans la construction des goûts personnels. C'est presque tautologique, puisque la construction du soi ne peut être que par le vécu et la biologie (ce qui aurait été inchangé avec un autre vécu).
Il y a une bande dessinée qui s'appelle Otto, qui parle d'un artiste qui fait une introspection et s'aperçoit que toute sa personnalité est déterminée par des évènements anodins de son passé. Ça pourrait t'intéresser, j'ai l'impression que ça s'inscrit complètement dans ton questionnement.
Alkanédon -
posté le 08/12/2020 à 14:42:59 (8352 messages postés)
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Citoyen d'Alent
Citation:
Le titre du topic est un peu trompeur (en plus d'être putaclic )
Oui c'est un peu putaclic
Citation:
finalement ça parle surtout de l'importance du passé dans la construction des goûts personnels. C'est presque tautologique, puisque la construction du soi ne peut être que par le vécu et la biologie (ce qui aurait été inchangé avec un autre vécu).
Oui ça c'est le phénomène observé, et j'ai tenté de soulever une interrogation : que fait un artiste ? -> il ne crée rien, il ne fait que se retrouver lui-même.
Intéressant cette bande-dessinée, merci du partage !
Citation:
toute sa personnalité est déterminée par des évènements anodins de son passé
C'est drôle ça, j'ai le sentiment inverse, que les évènements ne sont pas anodins mais plutôt traumatiques (pas forcément négativement, tomber amoureux ou être initié à un art est évènement traumatique selon mon interprétation).
Roi of the Suisse -
posté le 08/12/2020 à 15:09:25 (30337 messages postés)
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Chanter l'hyperchleuasme
Ah je dirais que l'un n'empêche pas l'autre. Des évènements anodins peuvent être traumatiques. J'ai des souvenirs très très forts qui concernent des détails ridicules. La texture de tissus sur des meubles, le crépi d'une maison, creuser un trou dans la terre... Un peu comme Lynch et les radiateurs par exemple.
Évidemment, les grands évènements sont probablement plus constructifs de l'individu
Roi of the Suisse -
posté le 08/12/2020 à 17:03:56 (30337 messages postés)
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Chanter l'hyperchleuasme
Ce passage-là me fait penser aux producteurs de musique qui diffusent du caca en tête de gondole. Et ça marche, les gens aiment bien, parce que ça passe sur toutes les radios, dans les bus, les centres commerciaux, etc. Il suffit d'entendre une musique souvent pour l'apprécier. À partir de ce principe très simple, tu peux vendre n'importe quoi.
Il y a évidemment aussi une forte dimension sociale, de mimétisme et d'intégration à un groupe, dans les parcours musicaux des gens. Ce second phénomène ne fait que renforcer le premier.
Heureusement qu'il y a Sylvanor pour écouter du Ozric Tentacles.
Plot twist : ce dernier aime Ozric Tentacles pour les mêmes mécanismes neuronaux que la masse écoute le caca en tête de gondole.
trotter -
posté le 09/12/2020 à 00:01:47 (10743 messages postés)
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Je suis assez d'accord, souvent je revois des films/bouquins de quand j'étais petit et je trouve des idées qui me semblaient venir de moi alors que pas du tout.
Je pense que c'est important de comprendre comment on s'est construit effectivement. Faut pas que ça devienne une fixette non plus.
Citation:
Alors comment en viennent-ils à apprécier le jazz plus tard ? Cela leur rappelle peut être une mélodie ou un accord entendu dans une berceuse, les nouveautés dans cette musique jazz ayant été associées à quelque chose que l’auditeur connaît et qu’il trouve beau (la berceuse), donnant l’étiquette de «beau» à ce nouveau matériau.
Ya du vrai mais tu occultes plusieurs choses je pense.
-Tu dis que les goûts viennent de souvenirs, mais alors comment est venu le premier goût ?
-Les goûts changent avec le temps, par exemple dans l'enfance on a très envie de sucré et on ne supporte par l'amer. Pour le visuel, l'auditif ya pas de raison que ça évolue pas non plus (ya des trucs que je trouve très visuellement intéressant maintenant que je ne regardais pas quand j'avais 6 ans). Là c'est pas lié à l'enfance mais à l'évolution du corps.
-Les goûts peuvent se créer par association. Par exemple fréquenter une jeune fille qui sent le tabac froid peut faire aimer l'odeur. Pas lié à l'enfance non plus (mais à un souvenir oui).
-La musique par répétition je suis d'accord, à force d'entendre une chanson on peut l'aimer. Et là ça n'est pas lié à l'enfance donc (mais au souvenir toujours oui).
Peut être qu'on pourrait imaginer un circuit :
Goût "physique"/instinctif (désir de l'odeur du sein) -> association (odeur du sein=couleur rose des draps=bonheur) -> association dérivée (bonheur=couleur rose=fleur=odeur des fleur=devenir parfumeur).
Par contre Aya Nakumura qu'on kiffe après l'avoir entendu 30 fois elle rentre pas dans le circuit.
Alors, est-ce qu'on peut être confronté à quelque chose de totalement nouveau et le trouver beau, eh, c'est quoi quelque chose de totalement nouveau ? Par exemple si on téléportait Platon à notre époque, qu'est-ce qui serait nouveau pour lui ?
Peut être que la lueur d'un écran d'ordinateur lui rappellerait le feu d'une cheminée et qu'il trouverait ça beau.
Peut être qu'une décapotable lui rappellerait un bateau.
Citation:
Tout le monde sait que l’homme n’aime pas sortir de sa zone de confort, tout le monde sait que l'homme aime avoir des habitudes, et qu'il a peur de l’inconnu.
Comment tu peux dire ça ? Pourquoi tu dis ça ? "L'homme" a quand même été visiter toute la planète et même au delà ! Il passe son temps à essayer des trucs nouveaux.
Là dessus je suis pas sûr que tu puisses généraliser autant, ya des gens qui adorent les nouvelles expériences, les voyages, les nouvelles activités, les nouvelles personnes... OK ya aussi des gens qui aiment la routine mais bon quand même, "l'homme"...
ౡ
Alkanédon -
posté le 09/12/2020 à 04:00:04 (8352 messages postés)
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Citoyen d'Alent
mamie a dit:
→ Souvent, lorsqu'on n'a ni les codes, ni l'habituation, on a le sentiment que l’œuvre est une sorte de purée sans queue ni tête, en plus de n'avoir aucun attachement à celle-ci. Une fois qu'on a les codes, on perçoit l’œuvre avec sa structure, ce qui peut suffire à l'aimer (ou pas).
(on peut aussi finir par détester la structure si on la connaît trop bien)
Effectivement, en ce qui concerne les "arts majeurs" comme dirait Gainsbourg, il faut une initiation : musique classique, poésie, peinture etc. Il faut connaître les règles pour comprendre le génie et aiguiser sa sensibilité.
trotter a dit:
-Tu dis que les goûts viennent de souvenirs, mais alors comment est venu le premier goût ?
C'est une question que j'ai pointée du doigt en appelant ça "expérience de beauté n°1". Je ne parle pas du goût qui nous permet de savoir si quelque chose est bon pour nous, mais de beauté ("agréable mais inutile").
Citation:
-Les goûts changent avec le temps, par exemple dans l'enfance on a très envie de sucré et on ne supporte par l'amer.
Là aussi, dans l'article ils disent que les enfants rejettent l'amer pour éviter le poison : il y a donc un mécanisme de défense, il sélectionne ce qui le maintien en vie.
Citation:
Pour le visuel, l'auditif ya pas de raison que ça évolue pas non plus (ya des trucs que je trouve très visuellement intéressant maintenant que je ne regardais pas quand j'avais 6 ans). Là c'est pas lié à l'enfance mais à l'évolution du corps.
Citation:
-Les goûts peuvent se créer par association. Par exemple fréquenter une jeune fille qui sent le tabac froid peut faire aimer l'odeur. Pas lié à l'enfance non plus (mais à un souvenir oui).
Oui c'est ce que je disais, j'aurais du faire un schéma :
J'ai pris l'exemple de l'enfance et de l'adolescence car ceux sont deux périodes marquantes, mais je n'exclus pas d'autres périodes de la vie.
Citation:
Alors, est-ce qu'on peut être confronté à quelque chose de totalement nouveau et le trouver beau, eh, c'est quoi quelque chose de totalement nouveau ? Par exemple si on téléportait Platon à notre époque, qu'est-ce qui serait nouveau pour lui ?
Peut être que la lueur d'un écran d'ordinateur lui rappellerait le feu d'une cheminée et qu'il trouverait ça beau.
Peut être qu'une décapotable lui rappellerait un bateau.
Et là il comprendrait qu'il y a quelque chose avec les bateaux et les feux de cheminée qui pourrait l'aider à mieux se connaître ! Le sujet que je proposais était :
Citation:
L’objectif de cette recherche est de savoir si notre carte d’identité est déterminable pas nos goûts artistiques.
Citation:
Comment tu peux dire ça ? Pourquoi tu dis ça ? "L'homme" a quand même été visiter toute la planète et même au delà ! Il passe son temps à essayer des trucs nouveaux
Un homme qui a visité les fonds marins entourés de requins, serait-il aussi à l'aise s'il prenait un micro et devait chanter devant 10 000 personnes ?
Probablement non, et pourtant sa vie est bien plus en danger sous l'eau entouré de requins que sur une scène à chanter.
Je pense que là c'est du au fait qu'il a été initié à cette adrénaline et est devenu accroc à cette activité. Il est fasciné par les fonds marins et les requins, s'est mis en situation pendant longtemps et à eu le temps de s'habituer et y prendre goût.
Trotter -
posté le 09/12/2020 à 08:42:59 (10743 messages postés)
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Ouff on dirait que je suis passé complètement a côté de ton message, tant pis.
La musique rentre pas dans ton schéma, ça me semble important car goût venu de rien.
Les modifications de goûts physiques me semble important à prendre en compte, les hormones peuvent par exemple changer notre libido et même nos goûts en matière de partenaire sexuel ("contraceptive pill use could disrupt disassortative mate preferences") :
https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rspb.2008.0825
Peut être qu'un clip vidéo un peu sexy ou les formes sensuelle de Giger nous apparaîtra une plus belle œuvre d'art si notre libido est élevée par exemple.
Selon certaines études les femmes sont plus attirées par des hommes aux gènes différents des siens en début de cycle menstruel et par des hommes proches génétiquement en fin (=elle va chercher un partenaire en dehors de la tribu puis revient dans la tribu). Changer le type d'homme qu'on aime dans l'art du coup ?
Alors, si injecter des hormones dans quelqu'un fait changer ses goûts artistique, j'ai envie de répondre non, notre carte d’identité est déterminable pas nos goûts artistiques.
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Roi of the Suisse -
posté le 09/12/2020 à 09:26:42 (30337 messages postés)
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Chanter l'hyperchleuasme
Pour répondre à trotter sur l'attrait de la nouveauté, je dirais qu'il y a en fait deux pôles qui nous attirent et nous repoussent constamment :
- le "comme", l'ensemble des choses habituelles et connues, maîtrisées, qui nous rassurent mais nous ennuient. C'est l’agrégat de notre vécu, qui nous construit.
- le "pas comme", l'ensemble des choses inhabituelles et inconnues, non-maitrisées, qui nous effraient mais nous intriguent.
Tous les gens n'ont pas la même appétence pour l'un ou pour l'autre. Ceux qui recherchent des oeuvres d'art bizarres, dérangeantes, ont une inclination plus forte pour le second pôle. Alors que d'autres ne veulent même pas en entendre parler.
Il y a un plaisir qui vient du "pas comme", c'est ce que j'appelle la "beauté du second ordre" : c'est le plaisir de résolution d'une incompréhension. C'est exactement comme en musique avec des tensions et des résolutions. On rencontre un élément incompris (qui n'est pas inclus dans le groupe des choses maîtrisées) et finalement on le comprend, on l'explique, on le rattache à des choses connues. Le mot comprendre (con-prendre : "prendre avec") a deux sens : "connaître le fonctionnement", et "être inclus".
Peut-être que cette beauté du second ordre est un des moteurs de l'apprentissage.
Cette oscillation des gens entre le "comme" et le "pas comme", entre le confort et l'inconfort, entre l'ennui et la curiosité, a longtemps été ma théorie sur la question.
Un bon artiste (ou game-designer) est alors un manipulateur qui sait exploiter cette oscillation, qui sait la provoquer chez les gens, avec une succession orchestrée d'évènements.
trotter -
posté le 09/12/2020 à 10:26:46 (10743 messages postés)
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Citation:
Un homme qui a visité les fonds marins entourés de requins, serait-il aussi à l'aise s'il prenait un micro et devait chanter devant 10 000 personnes ?
Peut être que non mais c'est le principe de sortir de sa zone de confort non ? Je pige pas trop ce que tu veux dire.
J'ai l'impression que tu dis qu'on est mal à l'aise quand on sort de sa zone de confort. Ca me semble implicite.
Ya plein de monde qui sort de sa zone de confort, qui se met volontairement dans des situations où ils sont mal à l'aise. Il peut y avoir une raison : séduire une personne du sexe opposé, pour avoir une promotion au travail, pour un gain financier etc.
Mais ça peut aussi juste être le désir de briser la routine et de voir de nouvelles choses.
Bon c'est un tout petit point dans ton texte, à la limite osef.
C'est juste qu'une phrase qui commence par "tout le monde sait que" sans source ça me fait tiquer tout de suite, surtout que le reste de ton post est joliment écrit et plein de concepts sympa.
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Alkanédon -
posté le 09/12/2020 à 10:51:51 (8352 messages postés)
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Citoyen d'Alent
Ah ben j'ai seulement dit qu'il n'aimait pas le faire, pas qu'il le faisait pas
C'est sûr qu'il est bien obligé de le faire, sinon il irait pas loin.
Ce qui m'interroge c'est au sujet de l'art. L'art n'est (a priori) pas une nécessité pour survivre (comme manger, demander une augmentation ou se reproduire (qui imbrique la séduction par exemple)), on ne peut pas obliger quelqu'un à aimer une musique ou un tableau. Et pourtant il finit par apprécier des oeuvres qu'il n'aurait pas apprécié quelques temps auparavant.
Citation:
Peut être qu'un clip vidéo un peu sexy ou les formes sensuelle de Giger nous apparaîtra une plus belle œuvre d'art si notre libido est élevée par exemple.
Ca me fait penser à cette hormone "ocytocine", que les femmes produisent quand elles accouchent et qui les rendent amoureuses de leur bébé. Selon la psychologie évolutionniste, ça serait dans le but de nourrir le bébé et de le protéger le temps qu'il devienne autonome.
Même hormone qui est produite pendant un (bon) rapport sexuel entre deux personnes, qui les fait s'attacher l'un à l'autre.
Donc si un clip sexy peut t'émouvoir et te toucher de la même façon que tu tombes amoureux après du (bon) sexe, oui peut-être que tu percevras ça comme une belle oeuvre d'art.
Mais si ça excite juste tes hormones et t'incite à cliquer parce que ton cerveau prends ça comme un besoin vital et urgent de se reproduire (un peu comme le porno), j'ai plutôt l'impression que c'est marketing. Dans ce cas-là je ne crois pas que ça rentre dans le dossier "art".
Cette histoire d'hormones est intéressante, effectivement si ça joue sur nos perceptions c'est important de le noter.
Citation:
Cette oscillation des gens entre le "comme" et le "pas comme", entre le confort et l'inconfort, entre l'ennui et la curiosité, a longtemps été ma théorie sur la question.
Un bon artiste (ou game-designer) est alors un manipulateur qui sait exploiter cette oscillation, qui sait la provoquer chez les gens, avec une succession orchestrée d'évènements.
Je partage ce point de vue. Et d'ailleurs c'est quelque chose qui existe depuis longtemps. A l'époque Baroque les compositeurs savaient ce qui plaisait au public et jouaient là-dessus. Je me souviens d'un prof qui m'avait dit qu'ils faisaient 80% de choses attendues, et 20% de nouveautés dans chaque pièces pour surprendre l'auditeur (chiffres à la louche).
trotter -
posté le 09/12/2020 à 13:14:07 (10743 messages postés)
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Oui, j'ai essayé de parler de l'autre sens, les hormones qui changent nos préférences.
Mais effectivement quand on regarde quelque chose qui nous plait une hormone est produite, par exemple
son chien.
Citation:
Mais si ça excite juste tes hormones et t'incite à cliquer parce que ton cerveau prends ça comme un besoin vital et urgent de se reproduire (un peu comme le porno), j'ai plutôt l'impression que c'est marketing. Dans ce cas-là je ne crois pas que ça rentre dans le dossier "art".
Ce serait cool d'avoir une étude qui vérifie si injecter des hormones peut changer les goûts artistiques mais j'en vois pas... Pour la musique on trouve beaucoup de playlist triste, à écouter quand on est triste, donc je suppose que oui.
Du coup nos goûts changeraient selon nos humeurs ? Est-ce que ça serait pas une question intereschting à aborder aussi.
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Trotter -
posté le 09/12/2020 à 16:11:29 (10743 messages postés)
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Oui multifacteur je suis d'accord.
Pour l'humeur qui change le goût ça dépend ce qu'on définit comme étant nos goûts et notre identité. Par exemple est-ce que notre identité est en perpétuelle évolution ou est-ce qu'on fait une moyenne et on considère que Gérard soupe au lait le matin est le même que Gérard détendu de l'après-midi.
Pour l'humiliation et rester sur les termes allemands il y a le Schadenfreude aussi.
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Trotter -
posté le 09/12/2020 à 18:04:10 (10743 messages postés)
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Subotai -
posté le 09/12/2020 à 18:06:52 (556 messages postés)
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Il est Conan, un Cimmérien. Il ne pleurera pas, alors je pleure pour lui.
Pour l'épée de Damoclès, en français, c'est plus inéluctabilité qui est associé, et c'est que moyennement relié. Pour être plus près d'ominous, faudrait aller voir vers sinistre ou glauque (toujours pas parfait)
Gari -
posté le 09/12/2020 à 19:55:26 (5901 messages postés)
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J'aurais bien dit inéluctable, mais c'est plutôt neutre comme terme (par contre on l'utilise pas en concept joyeux).
Ulkunudu -
posté le 23/08/2022 à 19:23:30 (8352 messages postés)
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Citoyen d'Alent
Salut,
suite à une petite remarque de Rots sur le topic de Aedemphia de Sylvanorus, j'aimerais rebondir ici pour ne pas partir en HS.
Je cite:
Roi of the Suisse a dit:
L'art non politique, c'est de l'art bourgeois, donc c'est de l'art politique quand même
Ce à quoi j'ai répondu :
Moi a dit:
A moins que t'ai des arguments je ne suis pas convaincu par ça. L'art brut par exemple j'y vois rien de bourgeois, et ce n'est pas forcément politique : un enfant qui dessine une fleur parcequ'il trouve ça joli c'est par définition de l'art brut et je ne vois pas ce qu'il y a de politique.
Et c'est pas parce que t'es pauvre que tout ce que tu fais c'est politique (si c'est bien ce que tu voulais dire), les compositeurs baroque/classiques/romantiques en sont un bon exemple, beaucoup vivaient dans la misère, très peu étaient issus de la bourgeoisie !
Chopin était pauvre par exemple, pourtant ça ne lui a pas empeché d'écrire deux concertos pour séduire une camarade de classe ! Et d'ailleurs quand il se faisait larguer par ses maitresses, il écrivait des valses. En fait, je ne suis même pas certains qu'il ait fait la moindre oeuvre adressée à l'humanité, il extirpait ses sentiments et c'est tout.
Ce truc de 'tout est politique', je crois que c'est un slogan qui a été utilisé pour parler des législations sur les relations sexuelles (contraceptions, homosexuels, mariage, avortement) qui étaient relégués par certains comme des non-sujets car prétendument privés donc non-politiques.
Tout peut-être politique, mais je suis d'accord que souvent l'art se trouve sur une frontière où on peut y voir du politique a posteriori sans qu'il ait été politique lors de sa création. Souvent les bonnes œuvres d'arts sont ambivalentes, et c'est difficile de vraiment y trouver un message politique clair, parce que chaque message qu'on pourrait trouver est brouillé par des éléments contradictoires.
On peut s'imaginer qu'un dessin de fleur d'enfant est l'expression d'un sentiment écologique inné, par exemple. Les dessins d'enfants sont un sujet politique, de façon générale. Mais ça ne veut pas dire que les enfants qui les créent le font pour la politique (même si parfois les enfants peuvent faire des dessins volontairement politiques bien entendu).
Roi of the Suisse -
posté le 23/08/2022 à 21:25:22 (30337 messages postés)
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❤ 3Verehn Nemau Kno
Chanter l'hyperchleuasme
C'est juste une question de définition en fait.
Si tu dis qu'une oeuvre d'art qui ne remet pas en cause l'ordre établi, les règles, les normes, les hiérarchies, les structures de pouvoir, de domination, c'est de l'art bourgeois, et bah ça y est, c'est bon.
Ton dessin d'enfant sera peut-être de l'art bourgeois s'il dessine bien comme on lui a dit. Mais s'il n'en fait qu'à sa tête et qu'il fait des gribouillis qui débordent de la feuille sur le parquet, en appuyant tellement fort que ça pète les feutres, alors c'est de l'art révolutionnaire, à son échelle, dans son microcosme politique.
Si ta valse est acceptée immédiatement par la critique élitiste en place, c'est de l'art bourgeois. Si la critique du moment dit "pouarf quelle horreur, rien à avoir avec nos grands classiques des siècles derniers", il y a des chances pour que ça ne soit pas bourgeois. Mais un siècle après, le transgressif devient le nouveau classique, et la bourgeoisie n'écoute plus que ça avec un snobisme qui dégoûterait l'auteur.
Kno -
posté le 24/08/2022 à 14:02:24 (4274 messages postés)
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❤ 3Verehn Roi of the Suisse Boustifouette
IV L'Empereur
Ulkunudu a dit:
L'art brut par exemple j'y vois rien de bourgeois, et ce n'est pas forcément politique : un enfant qui dessine une fleur parcequ'il trouve ça joli c'est par définition de l'art brut et je ne vois pas ce qu'il y a de politique
Alors je connaissais pas la notion d'Art brut, mais de ce que j'ai pu en lire, les dessins d'enfant n'en font pas partie, ni "l'art naïf" (créé par des adultes sans culture ou formation artistique), et ça désigne spécifiquement les œuvres produites par des populations marginale comme les malades mentaux ou les prisonniers.
Quoiqu'il en soit, le fait même de donner le statut d'art aux œuvres de personnes sans formation ou culture artistique est politique, puisque justement ça s'oppose à l'art bourgeois qui est un art institutionnalisé et élitiste où les classes dominantes définissent les codes du bon goût et s'en servent pour se placer au dessus de ceux qui ne maitrisent pas ces codes. Reconnaître l'art naïf et l'art brut c'est remettre en question cette hégémonie culturelle en établissant que tout le monde peut avoir une sensibilité ou des intentions artistiques, et que le respect de codes dépend uniquement des moyens (temps et argent) que l'artiste est en mesure d'invertir dans son art. C'est refuser que l'art servent de légitimation à une hiérarchie sociale.
A fortiori si on prend la définition strict de l'art brut puisque justement, on donne de la valeur à l'expression du point de vue et de la sensibilité de personnes marginalisées, qui sont habituellement dénigrées voire stigmatisées.
Ensuite, comme l'a fait remarqué KB, la valeur politique d'une œuvre, et surtout sa valeur politique perçue par le public, n'est pas intrinsèque (ce n'est pas forcément une volonté de l'artiste de lui donner cette valeur) mais fortement contextuelle. Par exemple ces dernières années il y a de vives polémiques sur le fait de ajouter des personnages "minorisés" dans les films, parfois en modifiant un personnage existant dans le cas d'une adaptation. Mais en réalité la tendance a commencé fin 1990/début 2000 sans que ça ne fasse autant réagir.
En fait la question de la représentation des minorités dans la culture populaire était déjà politique (des études sociologiques ont montré que le manque de représentation d'un groupe social dans le paysage culturel favorise la diffusion de stéréotypes concernant ce groupe, et donc la discrimination de ce groupe, tandis qu'une meilleure représentation permet de lutter contre ces stéréotypes), mais à l'époque les mouvements militants associés étaient moins visible. C'est avec l’émergence des réseaux sociaux qui leur a donné plus de visibilité que le public a pris conscience de la dimension politique de la question et a commencé à se positionner dessus.
Même chose pour l'histoire du portrait dans Aëdemphia qui a déclenché le débat. Il y a quelques années on aurait probablement tous vu le fait de faire poser une femme nue pour un tableau comme quelque chose de tout à fait anodin, et le fait de pouvoir proposer un homme nu à la place comme un blague un peu potache. C'est la prise d'ampleur du mouvement féministe qui nous a rendu conscience de la valeur politique de la sexualisation d'un personnage selon son genre. Mais l'influence que ça pourrait avoir sur nos représentations du monde à ce sujet auraient été la même dans les deux cas.
Dans le cas de Chopin, même si ses œuvres relevaient d'une expression purement personnelle de sa vie sentimentale, et pas d'une volonté de diffuser largement un message quelconque, au final elles sont certainement conditionnées par la vision qu'il a de la séduction, de la vie en couple et des relations homme-femme, et je pense qu'exprimer son point de vue sur les relations entre deux groupe sociaux est forcément politique.
Ce qui ne veut pas dire forcément polémique. Ce point de vue peut être conforme à un consensus profitable aux deux groupes en question, de sorte que personne n'y retrouve à redire (auquel cas c'est une bonne chose qu'il soit diffusé à travers une œuvre puisque il aide à propager et à rendre prédominante cet vision bénéfique).
Elle peut aussi être conforme à la vision dominante de l'époque, ce qui fait que le public la trouve anodin au point de ne même pas y prêter attention, même si elle est en réalité préjudiciable à l'un des deux groupes (voire aux deux). Mais dans ce cas elle peut être amené à devenir polémique si la vision dominante à laquelle elle se conforme est remise en question par des mouvements militants.
De manière général, diffuser une œuvre d'art c'est confronter sa vision du monde, son idéologie, a celle des autres et essayer de l'imposer (pas "imposer" au sens dur "obliger tout le monde à l'adopter", mais au sens "la revendiquer comme légitime, comme méritant d'être diffusée et partagée). Ce qui est forcément politique à mon sens. Ça peut ne pas être polémique suivant le contexte et l'idéologie dominante dans laquelle elle sort, mais c'est forcément politique.
Je suis venu ici pour corriger des bugs et botter des culs, et chez moi ça marche.