Yume Nikki Ecrit par gif
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Je tiens à inaugurer une nouvelle série d'articles pour le compte de la communauté d'Oniro. Chacun d'eux traitera d'un jeu. Aujourd'hui, comme vous avez pu le constater, il s'agit d'un célèbre jeu amateur japonais : Yume Nikki. Réalisé par Kikiyama, un développeur indépendant, ce jeu retrace l'aventure d'une jeune fille, Madotsuki, à travers son esprit et ses rêves les plus profonds.
Avis aux lecteurs : L'article convient autant aux joueurs qui ont accompli l'aventure qu'à ceux qui n'ont pas encore découvert ce jeu. Aucun spoiler sur le dénouement ne sera révélé. Vous pouvez donc lire sans inquiétude.
Cette plongée au cœur de l'inconscient se fait en plusieurs étapes. On débarque tout d'abord dans la petite chambre de Madotsuki, héroïne que l'on incarne. Une porte, un bureau et une console de jeu nous entourent, en plus d'un large balcon. Ces éléments constituent la réalité actuelle de l'héroïne, on peut ainsi interagir avec chacun d'eux, mais on constate rapidement leur limite. En effet, la porte est infranchissable, le bureau ne sert qu'à sauvegarder et la console qu'à se divertir 5 minutes.
Cependant il reste un élément fondamental non cité : le lit. Véritable sortie de cette "prison", il nous emmène droit dans le monde des rêves de l'héroïne. Une fois nos premiers pas faits en terre inconnue (le rêve démarre toujours dans la chambre), on constate que la porte, précédemment infranchissable, s'ouvre vers une étrange salle. On commence alors à se faire une idée de la structure du jeu en la franchissant : 12 nouvelles portes se dressent en cercles devant nous et forment des liens vers de multiples recoins de l'esprit de Madotsuki. On peut s'imaginer au centre d'une immense toile d'araignée que l'on s'apprête à parcourir. On entre par une porte et l'on ressort par une autre : tout est connecté.
24. Il existe 24 objets (appelés "effets") que l'on doit dénicher à travers cet immense royaume abstrait. Cela peut aller d'un simple parapluie à une étrange coupe de cheveux. Ces effets nous attendent, traînant au milieu de nul part, et nous offrent plusieurs capacités afin de poursuivre correctement l'aventure. 24 effets sous-entend 24 capacités, qui impliqueraient (conditionnel) autant de contraintes, d'obstacles à franchir grâce à celles-ci. Dans cette situation, sachant que l'on peut parcourir l'esprit de l'héroïne dans n'importe quel sens, on risquerait rapidement de se trouver face à un obstacle infranchissable, faute de compétence.
En réalité, (quasiment) tout est accessible sans aucun effet (l'effet bicyclette par exemple, ne sert qu'à se déplacer plus vite). Le véritable intérêt de ceux-ci réside cependant dans la compréhension de l'histoire de la jeune fille. Explications : plonger dans l'inconscient de la jeune fille signifie plonger dans ses souvenirs, mêlés à ses rêves et cauchemars. Donc, en récupérant un effet, on en apprend un peu plus sur elle (une petite lampe, un couteau plein de sang, ou un accident de voiture par exemple).
Ce jeu est étrange, bizarre, complexe et, au premier abord, incompréhensible. Il s'agit de déchiffrer, d'interpréter et de comprendre ce qui nous entoure. Les lieux visités sont tous si différents qu'une feuille et un crayon sont indispensables pour régulièrement tout mettre à plat, si tant est que l'on veuille suivre un parcours "logique" sans revenir sans cesse sur ces pas.
Les rêves sont donc vastes et il est souvent impossible de rechercher quelque chose en particulier (il n'y a, de plus, aucune instruction par rapport à ce que l'on doit chercher). On s'égare le plus souvent au milieu d'environnements désespérément arbitraires compte tenu de leur ampleur. Petit à petit, on tente d'y associer une idée, un sens, et alors que l'on évolue lentement à travers les rêves de Madotsuki, on commence à se demander : qu'est ce qui l'a rendue ainsi ? Pourquoi ces rêves étranges ? Pourquoi est-elle rongée par de tels tourments psychologiques ? Qu'est-il arrivé avant tout cela ?
Ces questions sont finalement sans fin et ne trouvent pas de réponses concrètes. D'une certaine manière, l'histoire de la vie de Madotsuki n'est pas primordiale: le personnage n'est que l'apparence de lui-même pour les êtres du monde tourmenté qu'elle parcourt (une sorte d'avatar vide). Il n'y a rien au sujet de son ambition, parce qu'elle n'aspire pas à quoi que ce soit. Tous les objectifs et la volonté qu'elle peut avoir eu jadis se sont complètement évaporés, et tout ce qui lui reste à faire est de dormir et de rêver.
Il s'agit en fait d'un jeu qui ne se prête guère à toute discussion sérieuse, jusqu'à ce que l'on commence à analyser son caractère central. Sa compréhension n'est possible que lorsque l'on prend un peu de recul, après environ une heure de jeu. Sinon, tout ce que l'on a, c'est une série de rêves d'exploration, qui ont peu ou pas de sens hors du contexte de l'esprit de Madotsuki. C'est trop abstrait et psychédélique pour saisir rapidement le caractère du personnage. Cela ne devient vraiment poignant qu'à partir du moment où l'on se rend compte que c'est l'histoire d'une jeune fille profondément troublée.
On ne sait rien sur son âge et encore moins sur son histoire. Que fait-elle seule dans cette chambre ? Pourquoi refuse-t-elle d'en sortir ? Pourquoi passe-t-elle son temps à dormir (ce qui trouble totalement toute notion de temps) ? On ne peut que constater le changement de la couleur du ciel en fonction du jour de la semaine. Que lui est-il donc arrivé pour que ses rêves soient si dérangés ? Certains pensent que Madotsuki est une hikikomori (elle ferait une dépression, cloîtrée dans sa chambre pendant plusieurs mois). C'est une étrange hypothèse sachant que tout peut se complèter en quelques jours (dans le jeu) en rassemblant les divers effets. D’autres s’appuient sur le fait qu’il existe des WC dans les rêves, et qu’elle peut utiliser les toilettes hommes comme les toilettes femmes, pour attirer l'attention sur un possible rapport conflictuel avec son sexe (mais là encore, jusqu’à quel point ?). D’autres comptent sur les personnages secondaires pour en apprendre d'avantage, comme Monoko, Poniko ou Monoe (apparaissant en flashbacks), sur des réapparitions de personnes décédées ou non que Madotsuki aurait connu, apparaissant sous forme d'avatars difformes. Il n’y a jamais rien de certain. C’est bel et bien au joueur d'interpréter et d’inventer sa propre histoire à partir de tous ces éléments disséminés ça et là (une liberté rarement croisée dans un jeu vidéo).
Les mondes en eux-mêmes sont immenses et déstabilisants. On s’y perd en permanence. Quelques fois on y découvre par hasard quelques secrets qui permettent d'émettre des hypothèses sur le passé de Madotsuki, dont on ne sait rien. On tourne en rond, on explore. On tombe parfois sur des Toriningens, des créatures un peu particulières. Une Toriningen « saine » est aussi inoffensive que les autres habitants. Mais si elle a des yeux rouges, elle devient enragée et nous poursuit sans relâche. Si elle nous attrape, elle nous téléporte dans une impasse et nous devons nous réveiller puis retourner dans le monde des rêves afin de poursuivre ce que nous faisions. A noter qu’une Toriningen « saine » poignardée se transforme en Toriningen « folle ». Il est donc déconseillé de sortir le couteau devant ces bestioles là. Mis à part ces étranges êtres, on se rend vite compte qu'on est en haut de la chaîne alimentaire (surtout quand on récupère le couteau). On passe de victime fuyante (à bicyclette notamment) à une tueuse sans remord (une fois équipée du fameux couteau).
On peut se réveiller à n’importe quel moment en appuyant sur une touche (ce qui pousse Madotsuki à se pincer) et aller sauvegarder dans notre journal (sur le bureau de la chambre) pour retourner ensuite dans la salle aux 12 portes (le Nexus) pour poursuivre l’exploration. Et quand nous en avons assez et que les 24 effets sont rassemblés, il suffira de les larguer dans le Nexus sous forme d’œuf pour déclencher la fin du jeu. Une fin qui, elle-aussi, nous incite à échafauder les hypothèses les plus folles tout en revenant sur les précédentes déjà esquissées.
Yume Nikki ne se réduit certainement pas à collecter des effets. Les différents mondes regorgent de détails, de petits secrets, d’évènements à découvrir, tel que Uboa (frayeur garantie), Monoko et ses cinq bras (là encore quand on ne s’y attend pas, c’est absolument flippant), Monoe ou le vaisseau qui conduit sur Mars. Parfois, on pourra même trouver des lits (le premier étant celui de la chambre de Madotsuki) et basculer dans le rêve du rêve (à la manière d'Inception) où se trouvent encore d’autres choses à découvrir. En réalité il me semble que le jeu n’a d’autre fin que la lassitude du joueur : le fait de se séparer de tous ses effets durement acquis étant le symbole de cet abandon.
Pour aller plus loin, voici d'autres articles et sources :
La vie est un songe
Understanding Yume Nikki
Test
Test
Artworks
Yume Nikki sur oniro
Test Over, merci d'avoir lu !
| Télécharger le jeu
gif -
posté le 19/03/2011 à 11:09:28 (4782 messages postés)
- | Egotrip Gigamaxé | Hop, test dédoublé et ranger dans la section Tests, pour les futurs joueurs.
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