❤ 1Crystal Les jeux à choix : définition des termes
Ce tutoriel théorique va évoquer la prise en compte des choix dans un jeu et la façon dont le développeur peut les aborder. Il ne s'agit pas d'une série de conseils à proprement parler mais plus d'une analyse.
A noter qu'aucun terme n'est connu par l'auteur de ce tutoriel pour appartenir officiellement au vocabulaire relatif au monde du jeu vidéo, ils ne sont utilisés qu'à des fins pratiques.
Par choix, on entend toute décision prise par le joueur, que ce soit des choix multiples dans un dialogue, faire des quêtes annexes, etc. Le non choix est aussi un choix, ne pas faire certaines choses pouvant aussi déboucher sur des conséquences.
Choix déterminants :
Les choix faits par le joueur ont un impact sur la suite ou la fin du jeu. Les choix déterminants ont souvent un impact fort sur le joueur.
Le choix de continuer à réfléchir ou non sur la résolution d'un puzzle complexe peut être considéré comme déterminant pour la suite du jeu.
Choix non déterminants :
Les choix faits par le joueur n'ont pas d'impact sur le jeu, ou il est minime. Exemples : les options de volume, une quête qui change le dialogue d'un pnj.
A noter que certains jeux peuvent présenter des choix d'apparence déterminants, mais en fait non déterminants dans leur réalisation : Radiant Historia propose des choix à conséquences, mais le fait que le mauvais choix renvoie directement à un Game Over et n'ait pas d'impact autre sur le reste du jeu les rendent paradoxalement non déterminants.
Ces deux types s'avèrent assez subjectifs et dépendent pour beaucoup du genre du jeu et de la sensibilité du joueur.
Choix instantanés :
Le choix a un effet immédiat. C'est le cas de l'exemple précédent, lorsque vous résolvez/échouez des quêtes ou un puzzle sans effet plus tard dans le jeu.
Choix à impact tardifs ou délayés :
Le choix peut avoir un effet immédiat mais aussi plus tard dans le jeu. C'est le cas de quêtes qui ont des conséquences sur la suite du jeu, ou d'un indice trouvé ne se révélant utile qu'en fin de partie.
Souvent dans le jeu vidéo, on remarque que les choix tardifs sont déterminants, et les choix instantanés non déterminants, cela pour créer un effet de surprise (on récompense le joueur pour sa persévérance ou son sens de l'observation).
Réputation :
La réputation peut se résumer en une ligne définissant la façon dont un personnage est vu, souvent selon une bipolarité bien/mal. A noter toutefois que la valeur positive ou négative dépend du protagoniste (héros au grand coeur ou ténor du mal) et des règles de son monde (si vous faites preuve de compassion dans un monde où la morale veut qu'on laisse mourir les malades, votre réputation n'augmente pas, elle baisse). La réputation est toujours le résultat par rapport à autrui, et donc une conséquence d'un ou plusieurs choix faits en cours de jeu.
Renommée :
Comme la réputation, la renommée est une conséquence, et peut donc aussi être schématisée par une droite, mais avec un départ minimal cette fois, puisque pas de renommée équivaut à non connu. La distinction avec la réputation s'opère de façon indépendante à la réputation : il s'agit plutôt d'un compteur de résultats qui ne prend pas en compte la morale mais le niveau de reconnaissance d'un personnage. Un sauveur ou un meurtrier auront donc une renommée similaire malgré des réputations opposées. De fait, la renommée évolue souvent en cours de jeu avec la progression de la quête principale et/ou complétion de hauts faits.
Les jeux à choix : la réputation
Avoir une réputation, c'est pratique dans les jeux avec de nombreux choix à multiples conséquences. Sans aller sur quelque chose de très complexe (hello...), il y a quelques points à prendre en compte avant de mettre en place son système :
Mais alors déjà, c'est quoi, la réputation ?
Pour l'expliquer très simplement, vous faites un choix, et ce choix va déboucher sur au minimum deux conséquences : soit vous allez être bien vu, soit vous allez être mal vu. Si on prend un exemple très simple, retrouver le chat d'une vieille dame et lui rendre vous fera bien voir de la dame, retrouver le chat et le tuer mal voir.
A noter que la réputation n'est pas la renommée, mais plutôt à voir comme une droite sur laquelle vous vous situez. La renommée touche plutôt votre taux de réussite aux quêtes, qui augmente indépendemment de votre curseur réputation. Si on reprend l'exemple de la dame qui cherche son chat, votre renommée augmenterait dans les deux cas, vu que vous l'avez retrouvé.
En général, dans les RPG japonais dirigistes, il n'y a pas de notion de réputation et tout se situe au niveau de la renommée (et donc de la complétion des quêtes). La notion de réputation est plutôt propres aux RPG occidentaux, qui impliquent plusieurs choix avec des effets divers.
Si vous ne l'avez pas déjà deviné, c'est donc quelque chose qui se prépare en amont.
Les types de réputation
Il y a plusieurs types de réputation possibles pour un jeu.
Par lieux : villes, régions, pays... Vous pouvez faire que le résultat de ces réputations locales aient une incidence sur votre réputation globale (vos compagnons vous suivant partout, leur avis sur vous va changer indépendemment du lieu).
Par factions : le groupe le plus connu concerne les factions, qui fonctionnent souvent par niveaux (membre, fidèle, gérant...). Cependant, dans les factions rivales, ce n'est pas votre réputation globale qui intéresse, mais votre progression dans la faction adverse. Ce type de réputation renvoie au système d'allégeance (on prête serment de fidélité auprès d'une faction, un royaume ou un autre groupuscule, en échange de faveurs/avantages).
Un dérivé connu est l'alignement : Certains jeux pour formuler cette distinction peuvent également passer par la notion d'alignement bien connue des joueurs de Donjons & Dragons. L'alignement détermine en gros la ligne de conduite morale d'un personnage. Ainsi, on aura d'un côté l'alignement, de l'autre la réputation (c'est-à-dire la renommée). Les habitudes veulent que l'alignement soit défini à la création du personnage mais rien n'empêche de le faire fluctuer au fil des choix du joueur (c'est ce qui se passe dans Planescape Torment où l'on commence Neutre strict et petit à petit on va se définir par nos actes, l'approche me semble très intéressante).
Par compagnons : Dans ce cas, on parle plutôt de relations, avec des notions d'affinité. Il y a donc la valeur de base (au moment de la présentation ou de l'insertion dans l'équipe), et son évolution, puisque le compagnon peut participer ou être en désaccord avec ce que vous faites.
Par PNJ : On pourrait aussi imaginer une réputation avec chaque PNJ grâce à l'utilisation de variables locales. Dans les jeux pro, je pense à Arcanum qui fait ça, chaque PNJ a une barre de relation, qui va dépendre de nos dialogues avec lui mais aussi de nos vêtements: si je débarque en armure lourde ou à poil ça va être bof, alors que si j'utilise des vêtements luxueux je vais avoir un bonus: le PNJ sera bien disposé pour me parler. C'est malin comme système et assez réaliste. C'est aussi le cas dans plusieurs visual novel, où la plupart des personnages amènent des choix de réponse du joueur.
Impact de la réputation
Sans doute son aspect le plus important, la réputation doit toujours avoir un ou plusieurs effets en jeu :
- la réputation aura-t-elle un impact 1) sur les personnages jouables (PJ) 2) sur les personnages non jouables ?
- A-t-elle un rôle essentiel, impliquant de gros changements sur le scénario, ou est-elle secondaire, et le cours de l'histoire est identique à part quelques changements de phrase ?
- Y a-t-il une ou plusieurs réputations ? Dans certains jeux, la réputation de tous les personnages jouables est prise en compte, notamment pour des rapports en combat. Cette donnée est généralement fixe (la façon dont ce personnage est vu ne change pas, sauf progression de l'histoire). Il peut en revanche y avoir changement entre le rapport du protagoniste principal et ses compagnons. De même, votre réputation peut varier selon les régions du jeu (selon que l'information circule ou non, vous pouvez être plus ou moins connu).
Nonor : Je pense qu'en termes de conception il faut réfléchir inévitablement aux effets de cette réputation, qui peuvent être soit procéduraux/structurels (prix dans les magasins, joueur poursuivi par des gangs ou des forces de l'ordre), soit ponctuels (certains PNJ qui accordent des quêtes, des récompenses, etc).
Le jeu doit aussi rester équilibré dans les deux cas, c'est-à-dire que le joueur ne doit pas se sentir puni d'avoir joué dans un camp (en général celui des méchants). Un jeu est amusant quand le joueur est récompensé pour une prise de risque, et souvent il l'est encore plus quand cette récompense est inattendue.
Suivra, suivra pas ? Ou faire attention à la crédibilité de ses relations
Si vous décidez d'opter pour un système de relations, il faut veiller à la crédibilité de la relation: pourquoi un compagnon continue de suivre un héros qu'il déteste? Il lui faut de bonnes raisons personnelles. Dans certains jeux, un compagnon avec qui on ne s'entend pas peut décider de se tirer (ça arrive dans Baldur's Gate par exemple). C'est un équilibre délicat, de manière générale d'ailleurs c'est un point sensible, passé un moment on peut souvent se demander pourquoi les compagnons continuent de risquer leur vie auprès du héros alors qu'ils n'ont plus vraiment d'intérêt personnel à le suivre (simplement, généralement on n'y prête pas garde, alors que cela devient visible quand le héros et le compagnon se détestent).
Est-ce que la réputation aura un impact sur le déroulement ou les fins du jeu ?
On peut très bien décider que non. Par exemple, vous incarnez une entité maléfique, et un apprenti du mal vous demande de l'aide. Vous avez alors le choix d'accepter ou de refuser : vous pouvez alors choisir d'utiliser la réputation avec un contraste oui/non en fonction de votre réponse, qui aura un affect sur la façon dont l'apprenti et l'entourage vous verra, ou alors considérer que vous avez réussi dans les deux cas, puisque vous avez soit aidé au mal, soit fait le mal en ayant été mauvais. Cependant, vous risquez de rapidement lasser le joueur si vos choix n'apportent aucun changement, donc ce genre de faux choix est à éviter.
Un choix peut ne pas avoir de répercussion autre que sur le quêteur ("chouette !" ou "pas cool !"), et ne pas dépasser le cadre de la quête. Dans ce cas, on peut parler de réputation individualisée et sans incidence sur la suite du jeu. C'est quelque chose de simple à mettre en place et qui ne nécessite pas forcément de compteur de réputation (réputation par PNJ). Dans un RPG, elle a cependant un impact assez faible sur le joueur si elle n'excède pas le PNJ impliqué.
Cependant, vous pouvez également décider qu'il y aura des conséquences sur la suite d'une partie ou totalité du jeu, et c'est là tout l'intérêt du système. Avoir une idée de l'impact de ces quêtes dès le début vous permettra de ne pas vous mélanger les pinceaux à la fin. Ainsi, notre adepte du mal peut décider par la suite de se venger en joignant les forces adverses, ou de vous empoisonner, ruinant possiblement vos chances d'atteindre votre objectif.
Impact immédiat ou tardif ?
Les choix que vous faites peuvent avoir un effet immédiat ou tardif. Les exemples d'effets tardifs étant assez connus car ils englobent tous les exemples de jeux à fins multiples, je préfère focaliser sur un exemple d'effet immédiat. Dans Aëdemphia, résoudre une quête dans une ville a parfois un effet immédiat sur l'entourage immédiat, avec changements de dialogues.
De manière générale, je pense qu'un élément important dans la satisfaction que le système doit apporter, c'est le sentiment qu'il a de l'effet. Le joueur doit avoir le sentiment d'être perçu comme un bienfaiteur ou comme un pourri, ou comme quelqu'un qui aura accompli des exploits. Sentir que le monde réagit à sa présence, à ses choix. C'est même je pense l'élément qui passe avant tous les autres, avant les notions de scores, de valeurs chiffrées. Le jeu peut n'enregistrer aucune variable de réputation mais simplement mémoriser les choix faits par le joueur et en tenir compte dans les dialogues, si les occasions de faire des choix ne sont pas nombreuses. Pas besoin de score en réputation pour que tous les habitants d'un village que je viens d'envahir par les armes avec mes potes pillards soient terrorisés en me croisant dans la rue.
Exemple d'organisation avec une seule variable
L'utilisation d'une ou plusieurs variables pour votre système de réputation n'est absolument pas obligatoire. Vous pouvez très bien n'utiliser que des interrupteurs, et ajuster la réaction des gens selon la progression dans l'histoire et la résolution de quêtes. Cette partie ne constitue qu'un exemple de système possible.
Il ne vous suffit que d'une variable. Pour des raisons de compréhension (pour vous, et pour le joueur), on part du principe que vous commencez neutre et donc avec la valeur par défaut (0). Si la valeur est négative, votre réputation est mauvaise, si elle est positive elle est bonne. Il est tout à fait possible de commencer avec une valeur négative selon votre récit (un traître ou un petit voleur, ça n'a pas très bonne réputation).
Ensuite, il vous faut créer votre propre échelle de réputation. Vous pouvez choisir de la bloquer à -100/100 (pour des pourcentages, par exemple) ou de la faire sans limite (ce qui rend la tendance inverse d'autant plus difficile à atteindre). Cette phase est généralement réfléchie avant de faire les quêtes annexes ou principale, vu qu'on détermine ici les gains (dans les deux sens, le but étant que les ajouts/retraits soient à peu près équivalents).
Par exemple :
- une quête mineure rapporte entre 0 et 5 points (ramasser le journal, tirer la langue au marchand...)
- une quête un peu plus intéressante rapporte entre 6 et 15 points (surveiller un enfant, faire une chasse, vol à l'étalage...)
- une quête pouvant avoir un réel impact rapporte entre 16 et 30 points (débarrasser toute une zone de pilleurs locaux, aider pour l'avancée de la sciences, tuer quelqu'un, voler un objet de valeur...)
- et enfin une quête primordiale qui pourrait tout changer rapporte entre 31 et 50 points (sauver la vie d'un politique reconnu, décimer une menace pour l'humanité, tuer une figure importante, laisser proliférer un poison...)
A noter que vous êtes totalement maître des conséquences. Ainsi, quelque chose qui pourrait être considéré comme positif (renverser une dictature) pourrait être négatif si ce régime est accepté par la population.
Une fois fait, il suffit d'appliquer ces changements selon la réussite ou l'échec de la quête. Le résultat peut être en demi teinte, le résultat s'en ressentira aussi au niveau de la réputation.
Enfin, il ne vous reste plus qu'à attribuer des réactions selon votre réputation, selon votre progression dans le jeu (votre réputation a des chances d'être plus élevée en cours de jeu, l'objectif de ces jeux étant souvent de pencher nettement vers l'un ou l'autre).
Des questions à se poser quand on élabore son système :
- ma réputation doit-elle être sans limite ? (elle peut augmenter ou diminuer à l'infini)
Plus terre à terre on peut se poser la question du renforcement de la réputation: est-ce qu'à la 50ème boutique que je dévalise ma réputation doit continuer de baisser de la même manière, ou bien est-ce qu'au fond elle n'est pas déjà si abyssale que le monde dans lequel j'évolue n'y perçoit plus aucune différence?
- On peut bien sûr également se demander si les bonnes actions doivent annuler les mauvaises et inversement. Est-ce que sauver une famille d'une bande de loups affamés dans la forêt fait de moi quelqu'un de bien alors que je viens de vendre trois enfants à des esclavagistes? Pas sûr... On pourrait alors imaginer deux axes de réputation, un positif et un négatif.
- Et enfin il peut y avoir un dernier axe de réflexion, celui du "pas vu pas pris" : si j'assassine un trappeur seul dans la forêt pour le dépouiller de son équipement, sans témoin, dois-je subir une perte de réputation ? Si je pille un coffre chez quelqu'un sans être vu ? Cela implique d'autres facteurs que la réputation : discrétion, habileté, hasard...
Tout ça va exiger des choix, car utiliser toutes les idées, disséquer la réputation de toutes les manières possibles amènera à un système trop cryptique, avec trop de valeurs, pénible à lire, à comprendre, à utiliser.
Le plus important est donc de bien définir les effets d'un tel système, ce qui nous paraît indispensable et ce qu'on peut laisser de côté, pour conserver une certaine clarté en jeu.
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